Et dans la nuit un homme meurt…
1. Lorsque ces vaches de gens, les petits, les cons, les sans-cœur, les bravaches te prennent le cou, d’une main agile sans crier gare …Ils serrent très fort, alors tu t’entends crier au-delà des quartiers de nuit, parce que c’est là-bas qu’il auront fait leur coup, leur mauvais, grand mauvais coup, de conscience lisse et mains agiles.
2. Les mains osseuses des sans-cœur, des bravaches, ceux qui ont des phalanges à tuer les poulets, ceux-là, je te crois, ils tapent dur, fort sur la tête, je te dis, dans les quartiers très loin, plus loin que ceux de la nuit.
1. C’est un métier ?
2. Peut-être.
1. Une habitude alors ?
2. Une habitude.
Les mains osseuses, c’est rien. Ce n’est pas tout les mains comme ça. Les patinées, les boudinées, avec mesure, avec sérieux, elles attrapent le cou comme ça, et sur la nuque, là, un petit coup, sec. Il tombe sans un cri et l’on n’entend rien, même là-bas dans la clarté, loin des quartiers, des vieux quartiers où ça sent la nuit.
1. C’est un métier ?
2. Accessoirement.
1. Une habitude alors ?
2. Peut-être.
1. Alors je pars..
Je pars pour le quartier des mains osseuses, des phalanges et des veines bleues. C’est petit et c’est grand… C’est petit depuis le soleil, c’est grand du dedans parce que l’on tourne en rond. Et tac, au contour, sans prendre garde des mains sur le mur qui t’attendent et s’impatientent. Une histoire de vampire la terre…
2. Peut-être.
1. Une histoire tout court alors ?
2. Une histoire tout court.
1. C’est dit, je pars.
Je pars.
Le coup sonne le coup..
Je vois déjà les villes de nuit.
Les quartiers, les mains et les corps,
corps beaux à n’en plus pouvoir,
c’est un peu le départ….
2. T’en va pas sur les mers sans bateaux. Là, il y a les monstres, les marins, les sans-coeur, les bravaches, avec une gueule de feu plus une coque de noix. Ceux-là, ils te prennent par devant, de loin, sans cri, ça fait du bruit.
1. Ça fait du bruit ?
2. Il paraît.
Il y a les gros et les petits. Dangereux? Je n’en sais rien guère. Il y en a dessous, il y en a dessus et ça crache, crache le feu et l’on entend très loin au-delà des quartiers de nuit le craquement sourd de la coque qui meurt. Qui meurt dessous, qui meurt dessus. L’importance n’est pas là. L’importance est plus forte, forte comme les mains des gros, les mains osseuses qui surveillent les mers, de loin, au-delà des vieux quartiers de la nuit.
1. La mer est un quartier de nuit ?
2. Parfois.
1. Les chaînes aux poignets,
les poings qui font mal,
sans jamais se délivrer à l’ombre du soleil des taches de la mer, je pars.
La terre c’est l’espoir,
l’espoir c’est la terre.
Tu sèmes et cueilles,
les beaux, les joyeux fruits de la terre.
Toujours sève porte vie
toujours
et les couleurs
quand le soleil meurt
mort et vie
vie surtout.
Puis les femmes belles
des jours d’automne
Je veux des femmes rouges
aux cheveux en cascade.
Loin. Plus loin que les quartiers de nuit.
Mes doigts tremblent, je crois. Regarde.
2. Oui, c’est ça, ils tremblent. Les chaînes, je crois.
1. Les chaînes aussi et le soleil. Si bas, si grand, si…
2. Lumineux, je crois.
1. Lumineux.
Le soleil et la terre ;
terre, terre belle, fraîche. Les fruits d’elle, d’elle les fruits, terre, je viens.
Tu seras pour moi seul
Terre
Tu seras
Tu oublieras les hommes.
Sais-tu le soleil, sais-tu l’univers ?
Tu sais les hommes qui se penchent, graves, de leurs mains plates, grandes, boudinées au creux de tes fleuves et qui regardent passer ton temps.
Tu oublieras les hommes.
Tu seras pour moi seul.
Terre, voici je pars.
Le froid des arbres comme la feuille du vert des sèves de ton sang.
Soleil – terre, lumineux, je crois.
Mort, mort, et c’est le sacrifice. Mort des bras, des jambes, des corps, des quartiers sans jour où seul le cri petit rauque le point du cri sort et parvient dans la clarté de là-bas.
Et c’est la guerre, la guerre des fous, des mains osseuses, plates et grandes, celles de là-bas qui commandent la terre, la terre des fruits et du soleil, du soleil de là-bas, loin des quartiers de nuit, loin des cris. La mer n’est plus parfois, toujours la mer, sans monstres, sans armes.
Le corps délivré. JE PARS..