La Peste des mots
« La Peste des mots »
Ou les troubles de l’apparence
Il n’y a rien à dire, rien à dire, rien à dire…
Le bonheur est dans le silence des mots
Un silence lumineux et tenace au fond du puits…
Parfois du monde viennent des bruits par vague…
Et ces bruits disent, parlent, caquètent, bavardent…
Quatre numéros sont parqués dans la cage. Le héros est le numéro 1. Il peut répondre au nom d’Orpheus. Il parle et personne ne le comprend. Il dit des phrases qui semblent sans contenu. Des phrases belles pourtant. Sans sens mais touchantes.
Les autres numéros ne le reçoivent pas, ne le comprennent pas. Ils l’attaquent, le chagrinent, l’ennuient, le critiquent. Sous la direction du numéro 2. Ils échangent des mots qui dérangent, tuent, vexent, séparent, provoquent. Ils vivent dans l’enfer des mots.
Deux adolescents, à l’extérieur de la cage cherchent à entrer en communication avec ces numéros. Comme l’on cherche à entrer en communication avec des spéléologues perdus dans un labyrinthe de couloirs et de grottes sous terre.
Les mots cachent, noient, détruisent comme des courants d’eau souterrains, envahissent avec violence l’espace vital. Ils lèsent, abîment, détournent, trompent, falsifient, érodent comme autant de trompe l’oeil, de Palais des glaces qui ne font que renvoyer l’image de celui qui se cherche entre la mort et la vie, se perd sans se trouver. Parfois un éclair de lumière rend la nuit moins profonde mais l’éclair tel un flash est rapide, et son sens à contre sens retourne vite à la nuit. Orpheus joue-t-il de la lyre ou du saxophone dans le royaume des morts ? Qui va gagner dans cet incessant ballet de mots et d’apparence?
L’acte I met en scène l’incompréhension fondamentale qui sépare les numéros 2, 3, 4, d’Orpheus, d’Elle et de Lui. Une série d’événements s’imbriquent les uns dans les autres et finissent par aboutir à la mort du poète. C’est alors que commence avec l’acte II l’Oraison funèbre, soit l’éloge d’Orpheus.
Le poète est mort comme le « Roi est nu »*, mort il encourage la servilité de ceux qui agissent dans la méconnaissance de l’humanité qui elle demeure vivante. Le poète étant un Roi vêtu, il s’éveille à la vie, au grand dam des numéros puisque les poètes « c’est bon à jeter au feu. Comme les sorcières. » Pour exister, il s’agit d’avoir une mémoire du temps afin de savoir très simplement que tout n’arrive pas pour la première fois aujourd’hui. Qu’hier déjà, l’essentiel était. Que le jour vécu possède un hier et un avenir et que pour que cet avenir soit, doit-il avoir la place pour être.
Le second acte voit se jouer cette existence sous-tendue par le mystère de l’inconnu et du tout autre.
Le second acte se terminera par une mort à l’existence pour laisser le temps à Elle et Lui de survivre dans la lumière.
* allusion à la pièce d’Evguéni Schwartz