Le Théâtre de Rochat de la Corne est un théâtre pauvre sans fastes ni dorures éclatantes, dont les personnages vivent leur vie intérieure*, dans des monologues sans fin avec parfois des failles qui témoignent que l’autre existe.
Femmes et hommes, ni hommes ni femmes, ils naviguent leurs fausses identités dans un palais des glaces qui leur renvoie inlassablement leur flamboyante perte de sens. Les mots chargent des significations parfois erronées ou abusives, ne confondons pas les mots et les idées.
Nous apprenons par le biais du mimétisme. Qui parle en moi? Mon père ou ma mère, ma sœur ou mon frère? Toutes ces voix murmurent en moi-même leur expérience de vie, vécue au travers de mes sens.
Ce théâtre peut être joué dans des lieux qui ne sont pas nécessairement des théâtres à l’italienne. Des usines, des salles de gymnastique pour l’utilisation des agrès, des usines désaffectées et bien sûr des théâtres.
Dans « La Peste des Mots », pièce en deux actes, écrite dans les années 60, les numéros parlent et disent des mots qui semblent leur appartenir. Ils débitent pourtant dans un flot de sons des lieux communs ou fantastiques qui fonctionnent de manière virale, sans que nous ne puissions en dominer le sens et les effets. Hommes ou femmes, femmes et hommes, parlent comme des crécelles sans genre, ou dans un genre stéréotypique.
« Diablocoeur » satire politique et sociale des années 2000 met en scène
ceux qui dirigent le monde. Des Rois et Reines de jeux de cartes règnent et tombent, dans un jeu précipité de guerres et d’intrigues avec la verve d’un Lewis Caroll.
« Passion, mort et vie en territoires occupés » pièce des années quatre-vingt-dix est un texte modulaire sur la guerre qui peut être joué avec plusieurs sens (interprétation des strates profondes ou superficielles) et dans un ordre différent (suite des modules). Une guerre comme toutes les guerres, en territoires occupés. Cette pièce qui voulait être une pièce de guerre contemporaine réunit au fil du dire des lambeaux d’une mythologie qui semble vivante. Autour d’Oedipe, Antigone, Jocaste et Laios. Des mythes qui surgissent par bribes au détour d’un texte résolument contemporain.
(Dominique Bord/mars 2013)
* Références littéraires parfois a contrario: Cocteau, Grotowsky, Schwarz, Joyce, Becket, Duras, Koltès, Cantor, Lewis Caroll.